Expositions et résidences
Pascal Baltazar, GMEA, « Anatomie de l’invisible »
Exposition du 7 au 23 novembre 2007
« Anatomie de l’invisible » est un prolongement des préoccupations de Pascal Baltazar autour du sonore : l’immatériel apparent du son, couplé à la lumière, devient pleinement un volume et « le » volume de la Maison Salvan.
Ce volume se veut la métaphore d’un organisme animé qui convoque avec insistance les sens de chaque observateur se confrontant, entrant en contact et/ou échangeant avec son comportement (et son système nerveux, ses rythmes, ses mouvements, les flux qui le traversent).
Effectivement, dans le projet de Pascal Baltazar, tout réside dans la manière dont le public intègre ce comportement, les seuils de perception sont très « ouverts » comme des intervalles permettant toute une possibilité de sensations : par exemple, l’oreille peut nous renvoyer des sons amples, volumineux et / ou aigus, en relief ; les yeux peuvent percevoir des lumières continues, d’autres plus heurtées, agitées.
Pascal Baltazar crée une expérience déstabilisante, pas tant par ce qui se matérialise dans la Maison Salvan, que par la mise en avant de l’idée de fragilité et de complexité du vivant. Pour autant, il s’agit bien d’un geste généreux que de proposer cette réflexion à travers les canaux sensoriels, et non pas seulement par le discours scientifique et la connaissance pure des questions de physiologie.
Les perceptions seront évidemment propres et liées à ce que sont les observateurs… Et plus ou moins consciemment, l’organisme agit…
« Libre à chacun alors, lors de son expérience de l’œuvre, d’interpréter telle pièce comme un plexus nerveux ou un réseau de neurones, telle autre comme un noyau cellulaire, un ventre, ou bien toute autre chose encore… L’objectif principal de ce travail est bien davantage de s’inspirer de la manière dont ces phénomènes physiologiques se produisent que d’en proposer une représentation réaliste ou univoque. » Pascal Baltazar
Pascal Baltazar et l’écriture du sonore
Comme d’autres artistes avant et autour de lui, Pascal Baltazar s’écarte des modes d’élaboration traditionnels de la création musicale (mélodique, harmonique). Plutôt qu’un compositeur, il se définit comme un artiste qui œuvre à l’écriture du sonore. Un peu comme un sculpteur façonnant un état et un moment de la matière pour l’amener vers une autre forme, Pascal Baltazar procède par la transformation continue des sons. Il les dirige vers des horizons jamais achevés et toujours en mouvement, organiques. Il envisage donc le son en amont de son acception musicale, comme une matière avec des caractéristiques (grain, texture, volume dans l’espace…). Au final, ses compositions sonores proposent une occupation de l’espace aussi présente physiquement que n’importe quelle proposition à proprement parler plastique, « palpable » !
Une installation visuelle, sonore et réactive…
Sons, lumières et fils seront employés et combinés avec une attention toute particulière à leurs rapports rythmiques : ainsi, dans une des pièces une vibration lumineuse peut-elle se comporter de manière synchrone à un son, alors que le mouvement d’un fil leur donne le contre-pont. Plus loin, son et lumière semblent s’engendrer mutuellement quand, dans l’espace adjacent des crépitements sonores parasiteront la douce évolution d’un flux lumineux…
De même, les espaces exercent entre eux des influences réciproques : l’excitation subite d’une pièce provoque une résonance dans la pièce opposée, alors que le couloir médian semble transmettre cet influx par une grappe de frétillements et qu’un autre espace en retiendra sa respiration.
Ces états évoluent dans le temps selon leur logique propre, mais aussi en fonction de la présence et des mouvements des spectateurs. Il ne s’agit pas ici de proposer au visiteur une quelconque impression de contrôle du comportement de l’installation, ni même d’ailleurs de dialogue, mais de lui donner tout simplement la sensation d’une présence commune et d’une influence réciproque, quasi-physiologique ; entre l’œuvre et lui-même.
Collaborations
Dans le cadre de la résidence, Pascal Baltazar a collaboré avec Pol Perez, électro-plasticien, résidant de la Maison Salvan en 2006 avec « Joséphine », pour ceux qui s’en souviennent !
Pascal Baltazar a été aidé par des étudiants des Beaux-arts de Toulouse pour la mise en place de l’installation.
Il propose, en préambule au vernissage, une intervention de la compagnie de danse La Zampa.
Pascal Baltazar a également noué un dialogue avec Jean-Michel Hupé et Maxime Cauchois du Cerco (Centre de Recherche Cerveau et Cognition).
Deux questions posées à Pascal Baltazar
Dans l’évolution de ton travail, que t’a permis de développer la Maison Salvan ?
Ce qui était intéressant, c’est le temps que j’ai pu passer ici avec une totale liberté dans la façon d’occuper le lieu, ce qui est très rare. En outre, je n’ai pas souvent l’occasion de travailler un environnement qui soit une installation, je fais d’habitude plutôt de la musique en studio ou pour la scène. Ce projet me travaillait depuis peut-être 6 ans et cela m’a apporté beaucoup de choses, de nouveaux problèmes, l’occasion d’approfondir des questions que je n’avais jamais eu le temps de traiter comme le rapport à la lumière.
Bien sûr, ce qui est très important aussi, c’est cette maison qui a une forte personnalité avec une énergie fantastique.
Au sujet de la collaboration avec un scientifique, peut-être des limites qui ont pu apparaître, que voudrais-tu dire ?
J’avais d’abord contacté Jean-Michel Hupé qui est directeur de laboratoire et qui dispose donc de peu de temps. Ce n’était pas évident car il a des problématiques de recherche assez pointues et moi je lui posais des questions plutôt basiques, des généralités autour du système nerveux. Évidemment, ça l’intéresse moins. Je me sentais donc dans une position délicate par rapport au fait de devoir « faire » une collaboration avec un scientifique. Pour que cela fonctionne dans les deux sens, ce n’est pas évident. Ce sont des choses qui ne peuvent se construire que sur un temps long pour pouvoir peut-être produire un résultat. Mais au final il m’a dirigé vers un étudiant en master recherche, Maxime Cauchois, qui m’a proposé des cours personnalisés de neurophysiologie. Il avait plus de temps, et donc plus de temps pour laisser la place à la curiosité. Là, il y a eu des échanges dans la discussion.
Ce qui intéressait Jean-Michel Hupé, c’était de voir une vision subjective et une expérience autour de la synesthésie. Mais je ne suis pas synesthéte et c’est à un niveau métaphorique que cela m’intéresse plutôt. Mais je reste très satisfait de la relation avec Maxime. C’était un cours mais il y avait de la générosité dans sa façon de le faire et j’ai beaucoup appris pour ensuite faire fonctionner l’installation, notamment sur ses rythmes corticaux. J’aurais moins pris en compte la question des rythmes, j’étais parti plus sur l’aléatoire et cela m’a donné du coup une consistance qui n’aurait pas été présente autrement.